Cambacérès (1753-1824) Me contacter

REDDE CAMBACERI QUAE SUNT CAMBACERIS

"Rendre à Cambacérès ce qui appartient à Cambacérès"


A - B - C


Acte de déchéance de l'Empereur
(02/04/1814)
Le 2 avril 1814, le Sénat conservateur sous l'impulsion de Talleyrand (chef du gouvernement provisoire depuis la veille) et de son président Barthélémy vote la déchéance de l'Empereur. Selon de nombreux biographes, Cambacérès se rallie à deux reprises à l'acte de déchéance voté par le Sénat : une première fois le 07/04/1814 et une seconde fois le 09/04/1814.
Dans les faits, c'est le cardinal Etienne-Hubert de Cambacérès qui le 7 avril apporte son soutien à l'acte de déchéance de l'Empereur. Le 10 avril, Jean-Jacques Régis adresse à Talleyrand sa pleine adhésion "à tous les actes faits par le Sénat depuis le 1er avril courant ainsi qu'aux dispositions qui sont à la suite de ses actes." De nombreux sénateurs attendent la réponse de Cambacérès pour se prononcer, la lettre  fut donc antidatée au 9 avril et immédiatement insérée dans l'édition du Moniteur du 12/04/1814.

Adresse aux Français
(09/10/1794)

Le lendemain de son élection à la présidence de la Convention, Cambacérès rédige l'Adresse aux Français, véritable profession de foi de la République thermidorienne :
"Français, au milieu des vos triomphes, l'on médite votre perte. Quelques hommes pervers voudraient creuser au sein de la France le tombeau de la liberté . Les héritiers des crimes de Robespierre et tous les conspirateurs que vous avez terrassés s'agitent. (…) Fuyez ceux qui parlent sans cesse de sang et d'échafaud, ces patriotes exclusifs, ces hommes outrés, ces hommes enrichis par la Révolution qui redoutent l'action de la justice et qui comptent trouver leur salut dans la confusion et l'anarchie. Estimez, recherchez ces hommes laborieux et modestes, ces êtres bons et purs qui fuient les places et qui pratiquent sans ostentation les vertus républicaines. Le temps est venu de vaincre par la fermeté et la sagesse. Il faut que le calme succède enfin à tous les orages. Le vaisseau de la République tant de fois battu par la tempête touche au rivage, gardez-vous de le repousser au milieu des écueils."

Archichancelier de l'Empire

 Constitution de 1804

La constitution de l'an XII (1804) fixe les fonctions du Prince-Archichancelier :

Titre V: Des grandes dignités de l'Empire

Art 32 : Les grandes dignités de l'Empire sont celles de grand électeur, d'archichancelier de l'Empire, d'archichancelier d'Etat, d'architrésorier, de connétable, de grand amiral.

Art 33 : Les titulaires des grandes dignités de l'Empire sont nommés par l'Empereur. Ils jouissent des mêmes honneurs que les princes français, et prennent rang immédiatement après eux. L'époque de leur réception détermine le rang qu'ils occupent respectivement.

Art 34 : Les grandes dignités de l'Empire sont inamovibles.

Art 35 : Les titulaires des grandes dignités de l'Empire sont sénateurs et conseillers d'Etat.

Art 36 : Ils forment le grand conseil de l'Empereur. Ils sont membres du conseil privé. Ils composent le grand conseil de la Légion d'honneur.

Art 40 : L'archichancelier de l'Empire fait les fonctions de chancelier pour la promulgation des senatus-consulte organiques et des lois. Il fait également celles de chancelier du palais impérial. Il est présent au travail annuel dans lequel le grand juge ministre de la Justice rend compte à l'Empereur des abus qui peuvent s'être introduit dans l'administration de la justice, soit civile, soit criminelle. Il préside la haute cour impériale. Il préside les sections réunies du Conseil d'Etat et du Tribunat, conformément à l'article 95, titre XI. Il est présent à la célébration des mariages et à la naissance des princes, au couronnement et aux obsèques de l'Empereur. Il signe le procès-verbal que dresse le secrétaire d'Etat. Il présente les titulaires des grandes dignités de l'Empire, les ministres et le secrétaire d'Etat, les grands officiers civils de la couronne, le premier président de la Cour de cassation, au serment qu'ils prêtent entre les mains de l'Empereur. Ils reçoit le serment des membres et du parquet de la cour de cassation, des présidents et procureurs généraux des cours d'appel et des cours criminelles. Il présente les députations solennelles et les membres des cours de justice admis à l'audience de l'Empereur. Il signe et scelle les commissions et brevets des membres des cours de justice et officiers ministériels; il scelle les commissions et brevets des fonctions civiles administratives, et les autres actes qui seront désignés dans le règlement portant organisation du sceau.

Art 45 : Chaque titulaire des grandes dignités de l'Empire préside un collège électoral de département. (...) Le collège électoral séant à Bordeaux est présidé par l'archichancelier de l'Empire. (…)

Art 46 : Chaque titulaire des grandes dignités de l'Empire reçoit annuellement, à titre de traitement fixe, le tiers de la somme affectée aux princes, conformément au décret du 21 décembre 1790.


D - E - F


Empire héréditaire
(18/05/1804)
Républicain convaincu, Cambacérès désapprouve le principe d'une monarchie héréditaire. Ce soir de mars 1804, il confie ses sentiments à  Lebrun : "Bonaparte qui ne sera plus retenu par les formes de la république se prendra pour Louis XIV, et la France a fait une Révolution contre cela. (...) Nous avons fait la guerre à l' Europe (...) et nous la ferons maintenant pour lui donner des monarques fils ou frères du nôtre,et la France succombera à ces folles entreprises. Et puis, Lebrun, vous savez bien qui si un trône est restauré, les  partisans des Bourbons trouveront le chemin plus facile pour y porter leur prétendant. Quelle grave erreur!".
La commission législative chargée de rédiger la nouvelle constitution se met en place : y siègent les consuls, les ministres et quelques sénateurs comme Tronchet et Roederer. Très vite, Cambacérès qui argumente contre le principe monarchique, se heurte à Bonaparte. Celui-ci, flatté par Talleyrand et Fouché, met Cambacérès à l'écart des discussions ; la tension montre entre les deux hommes. Le 15 mai, Cambacérès argumente contre l'hérédité : "Qu'il n'y ait pas cette institution stupide, anachronique et destructrice, qui confie le pouvoir à celui qui par hasard est né le premier" puis il démissionne de ses fonctions de Second Consul.
Le lendemain, Bonaparte convoque Cambacérès à Saint-Cloud pour essayer de le faire changer d'avis. Il lui propose le poste d'Archichancelier (poste créé sur les conseils de Talleyrand qui le convoitait). Cambacérès accepte et pour couper court aux rumeurs de dissensions entre les deux hommes, c'est Cambacérès, président du Sénat qui proclame l'Empire le 18 mai à Saint-Cloud.

Fête des Victoires
(21/10/1794)
Manifestation organisée sur le Champ de Mars pour célébrer la libération complète du territoire de la République. Cambacérès, président de la Convention, prononce un discours, où il rappelle le jour "où un conspirateur hypocrite vint étaler l'appareil fastueux de la tyrannie, et brûler, en l'honneur de la Divinité, un encens qu'en secret il réservait pour lui". Quelques mois se sont écoulés, "et voici que le peuple et ses représentants, rassemblés dans cette même enceinte, viennent y proclamer la liberté et la défaite des despotes coalisés contre elle". Il parle de l'époque où les Français, au sein de l'abondance et du bonheur, diraient à leur enfants : "O vous ont les regards n'ont jamais été souillé par l'aspect d'un trône, apprenez qu'il fut des temps où vos pères courbèrent la tête sous la verge d'un tyran ; apprenez les combats par lesquels ils surent conquérir la République". Et il exhorte la génération future à "conserver avec soin le précieux héritage de la liberté", et à "songer que toujours on chercherait à lui ravir ce dépôt sacré".

G - H - I



J - K - L


Levées de conscrits La reprise de la guerre en 1805 oblige la levée rapide d'une armée. Le Corps législatif n'étant pas en session, la conscription ne peut pas suivre la voie légale, l'Empereur demande donc un vote du Sénat qui par un senatus-consulte autorise la levée de 80.000 hommes. La relative docilité du Sénat habilement manœuvré par Cambacérès amène Napoléon à utiliser la voie sénatoriale à chacun de ses besoins de troupes.
Levées de conscrits par senatus-consulte sous l'Empire:
An XIII An XIV 1807 1808 1809
80.000 80.000 160.000 160.000 76.000
1810 1811 1812 1813 1814
160.000 120.000 350.000 790.000 0
En quinze années de pouvoir, Napoléon lève environ 2 millions d'hommes (soit 36% des mobilisables ou 7% de la population française). La forte hausse des levées dans les dernières années du règne fait naître la légende de l'ogre et rend le régime impopulaire. Le Sénat tente de faire de la résistance en 1814 mais discrédité par des années de docilité, il perd tout assise populaire.
Cambacérès apparaît en première ligne : pour l'opinion publique il est responsable des multiples levées de conscrits. Véritable point noir de sa carrière politique : la conscription est la cause de l'impopularité de Cambacérès.

M - N - O


Opposition à Napoléon

Les Lutteurs (Bibliothèque Nationale)

Contrairement aux autres ministres et conseillers, Cambacérès fait part à de nombreuses occasions de son désaccord à Napoléon. Si cela se passe souvent en privé, nous connaissons certaines circonstances. Sous le Consulat, Cambacérès s'oppose sans succès aux arrestations du général Moreau et du duc d'Enghien. Il suggère de signer un traité de commerce avec l'Angleterre pour consolider la Paix d'Amiens, mais Napoléon préfère mettre en place le Blocus continental… Il s’oppose également à la mise en place de l'Empire héréditaire.
Sous l'Empire, il n'est pas consulté en 1808 quand Napoléon envahit l'Espagne sur les conseils de Talleyrand. Cambacérès découvre l'ampleur du désastre espagnol lors des longs intérims des années suivantes. En 1810, il désapprouve le divorce avec Joséphine, expliquant qu'elle est très aimée des Français. Fort de ses liens maçonniques avec certains membres de la famille Romanov et le prince Kourakine, Cambacérès travaille à vaincre les dernières réticences du tsar Alexandre Ier. Il combat le mariage autrichien en argumentant que contrairement aux Romanov, les Habsbourg n'ont jamais respecté les alliances par mariage.
Son principal succès est la sauvegarde du régime parlementaire, ce qui empêche le retour de la monarchie absolue à la Restauration. En octobre 1809, Napoléon a pris la décision de supprimer le Corps législatif et de voter les lois lui-même. Cambacérès, très attaché aux idées de la Révolution, ne va jamais traiter ce dossier. En 1812, Napoléon, excédé par les lenteurs de Cambacérès, menace de modifier la Constitution de façon à pouvoir passer outre l'Archichancelier de l'Empire sur ce dossier. Cambacérès réussit encore à gagner du temps jusqu'en décembre 1813. Cambacérès cesse ses fonctions politiques au début de l'année 1814 après l'ajournement du Corps législatif.
La caricature ci-contre date de 1814. Elle illustre le combat de 4 années entre Napoléon et Cambacérès pour le décret d'ajournement du Corps législatif. Elle s'inspire des Lutteurs : une statue antique conservée au Musée des Offices à Florence.


P - Q - R - S


Police privée Comme Fouché ou Talleyrand, Cambacérès dispose de son propre réseau d'informateurs. Il nomme chef de sa police secrète un certain Guilly, ancien attaché à la police de sûreté du Directoire. Guilly est décrit comme "un grand brun, un peu voûté et privé d'un œil par suite d'un combat de pistolet" (Préfecture de Police, rapport du 08/06/1802). Un soir dans un café parisien, un nommé Vivier dit qu'il est l'agent du deuxième Consul et qu'il attend une mission en province (Préfecture de Police, rapport du 12/08/1801).
On connaît peu de choses sur la police privée. S'il est de notoriété publique que les agents de Cambacérès sont bien payés, il n'en existe aucune trace dans les cahiers de raison et les registres de dépenses. En 1802, Bonaparte demande au commissaire Dossonville un rapport détaillé sur les activités de la police secrète de Cambacérès. A peine rédigé, ce document disparaît des archives de la Préfecture de Police.

Second Consul

 

La constitution de l'an VIII (1800) fixe les fonctions du second consul :

Titre II : Du Sénat conservateur

Art 24 : Les citoyens Sieyès et Roger-Ducos, consuls sortants, sont nommés membres du Sénat conservateur : ils se réuniront avec le second et le troisième consul nommés par la présente Constitution. Ces quatre citoyens nomment la majorité du Sénat, qui se complète ensuite lui-même, et procède aux élections qui lui sont confiés.

Titre IV : Du Gouvernement

Art 39 : Le gouvernement est confié à trois consuls nommés pour dix ans et indéfiniment rééligibles. Chacun d'eux est élu individuellement, avec la qualité distincte de premier, ou de second, ou de troisième consul. La Constitution nomme Premier consul le citoyen Bonaparte, ex-consul provisoire; second consul, le citoyen Cambacérès, ex-ministre de la justice; et troisième consul le citoyen Lebrun, ex-membre de la commission du Conseil des Anciens. Pour cette fois le troisième consul n'est nommé que pour cinq ans.

Art 40 : Le Premier consul a des fonctions particulières et des attributions particulières , dans lesquelles il est momentanément suppléé, quand il y a lieu, par un des ses collègues.

Art 41 : Le Premier consul promulgue les lois; il nomme et révoque à volonté les membres du conseil d'Etat, les ministres, les ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l'armée de terre et de mer, les membres des administrations locales et les commissions du gouvernement près les tribunaux. Il nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et les juges de cassation, sans pouvoir les révoquer.

Art 42 : Dans les autres actes du gouvernement, le second et le troisième consul ont voix consultative : il signent le registre de ces actes pour constater leur présence; et s'ils le veulent, ils y consignent leurs opinions; après quoi la décision du Premier consul suffit.

Art 43 : Le traitement du Premier consul sera de cinq cent mille francs en l'an VIII. Le traitement de chacun des deux autres consuls est égal aux trois dixièmes de celui du premier.


T - U - V


Translation des cendres de Rousseau au Panthéon
(11/10/1794)
Le 9 octobre, le cercueil quitte l'île des Peupliers à Ermenonville pour être déposé dans le Jardin national à Paris. Le 11 octobre, Cambacérès, président de la Convention, prononce un discours au Panthéon :
"Moraliste profond, apôtre de la liberté, Rousseau a été le précurseur qui a appelé la nation dans les routes de la gloire et du bonheur ... Au premier regard qu'il jeta sur le genre humain, il vit les peuples à genoux, courbés sous les sceptres et les couronnes ; il osa prononcer les mots d'égalité et de liberté! Ces mots ont retenti dans tous les cœurs, et les peuples se sont levés. (…) Il a le premier prédit la chute des empires et des monarchies : il a dit que l'Europe avait vieilli, et que ces grands corps, près de se heurter, allaient s'écrouler comme ces monts antiques qui s'affaissent sous le poids des siècles. (…) Rousseau a vécu dans la pauvreté, et son exemple nous apprend qu'il n'appartient point à la fortune ni de donner ni de ravir la véritable grandeur. (…) Sa vie sera une époque dans les fastes de la vertu ; et ce jour, ces honneurs, cette apothéose, ce concours de tout un peuple, cette pompe triomphale, tout annonce que la Convention nationale veut acquitter à la fois, envers le philosophe de la nature, et la dette des Français, et la reconnaissance de l'humanité".

W - X - Y - Z

 

26/02/07 - Emmanuel Prunaux